Le psoriasis léger fait figure de « pathologie pauvre » face à l’arsenal thérapeutique très important dont les dermatologues disposent pour vous aider en cas de psoriasis modéré à sévère. Et pourtant, la frontière – dans certains cas – entre psoriasis léger et psoriasis modéré à sévère est vraiment ténue. Certaines formes de psoriasis léger, de par leur localisation ou leurs démangeaisons, peuvent être très invalidantes, avec une altération importante de la qualité de vie. Pourquoi ne pas prescrire des biologiques ou des biosimilaires en cas de psoriasis léger ? Quelles sont les armes mises actuellement à la disposition des médecins pour aider les personnes atteintes de psoriasis léger ? Eventail des solutions, à essayer en solo ou en combinaison. Au cas par cas. Et qu’attendre dans un futur proche ? Explications du Dr Farida Benhadou, Dermatologue –  Hôpital Erasme – ULB.

Quels sont les traitements systémiques actuellement disponibles en Belgique en cas de psoriasis léger ?                

« C’est, malheureusement, assez simple : pour les formes légères, il n’y a rien qui est prévu comme traitement systémique, que ce soit par voie orale ou par injections. Les biosimilaires ou les biologiques ne sont uniquement administrés et prescrits en Belgique par un dermatologue que pour les formes modérées à sévères. En revanche, il y a bel et bien un médicament systémique qui est autorisé chez nous. C’est le fumarate de diméthyle, mieux connu sous le nom commercial de Skilarence™. Le fumarate de diméthyle a beaucoup été prescrit – et l’est toujours –  en Allemagne et aux Pays-Bas, mais très peu chez nous. Cela dit, en Belgique, nous avons obtenu son remboursement déjà depuis bientôt quatre ans. Et dans les critères de remboursement de cette catégorie de  systémiques, il faut que le patient ait soit un psoriasis étendu, soit un psoriasis léger avec une atteinte affichante, par exemple une localisation au niveau des mains, du visage. Dans ce contexte, même si le patient n’a pas un score qui permet à son dermatologue de le classer comme patient souffrant d’un psoriasis modéré à sévère, il pourrait tout de même, par ce biais-là, obtenir ce médicament. Il est important de souligner que dans les critères de remboursement du fumarate de diméthyle (Skilarence™), on tient compte de l’impact sur la qualité de vie du patient, ce qui n’est pas le cas des autres biothérapies. Donc, si un patient souffre d’un psoriasis léger ou limité mais qui impacte énormément sur sa qualité de vie, il est bon de savoir qu’il pourrait obtenir ce traitement systémique. Mais, rappelons-le, c’est actuellement le seul en Belgique. »

Le fumarate de diméthyle présente-t-il des effets secondaires ?

« Le problème de ce médicament systémique, c’est qu’il présente effectivement bon nombre d’effets secondaires. Il donne, certes, des résultats probants en matière d’efficacité, mais le dermatologue est parfois contraint et forcé d’arrêter ce type de traitement parce que le patient a des neutropénies. Une neutropénie est, pour information, un trouble hématologique qui se caractérise par un taux anormalement faible dans le sang d’un type de globules blancs, les granulocytes neutrophiles. Cette atteinte au système immunitaire de l’organisme expose le malade à un risque d’infection d’autant plus élevé que le déficit des cellules de défense est important. L’un des effets secondaires classiques est aussi cette espèce de flush, de rougeur, localisée au niveau du visage. Certaines personnes se plaignent aussi de diarrhée et de troubles gastro-intestinaux. Dans ce cas-là, ce sont des effets secondaires davantage bénins mais qui ne sont pas toujours bien gérables au quotidien. Bref, le fumarate de diméthyle est, certes, en cas de psoriasis léger, très intéressant comme arme thérapeutique mais n’est pas dénu d’effets secondaires, dont certains assez importants. »

Des nouveautés au niveau des émollients ou soins topiques ?

« Actuellement, en pharmacie et parapharmacie, il existe de nombreuses gammes et marques de produits dermo-cosmétiques, d’émollients ultra-hydratants spécifiquement adaptés et dédiés aux peaux atteintes de psoriasis, de squames et de démangeaisons. Certaines marques proposent des soins spécifiques avec, par exemple, des concentrations plus élevées en urée pour mieux réparer et protéger la barrière cutanée de la peau, pour une hydratation idoine, pour prévenir et traiter de façon locale les squames, démangeaisons, rugosités, etc. et surtout pour apporter confort. C’est au cas par cas. À chaque personne de trouver – avec ou sans parfum – le soin visage/corps qui correspond le mieux à ses atteintes et à ses besoins. Notez que de plus en plus de marques dermo-cosmétiques proposent de grands conditionnements également moins onéreux. »

Quelles autres solutions proposez-vous en cabinet dermatologique ?    

« Pour des formes comme, par exemple, le psoriasis palmoplantaire, nous avons la possibilité de faire des UV. Il existe des cabines spécifiques pour les mains et les pieds, ce qui empêche d’irradier tout le corps. Et, on peut aussi les utiliser sur des formes très localisées, mais qui sont ennuyeuses, voire invalidantes. Et ce que l’on peut faire aussi, c’est administrer localement des injections de corticoïdes lorsqu’un patient présente des plaques de psoriasis au niveau du tibia – et aucune manifestation cutanée de psoriasis ailleurs – et qu’il a déjà essayé des corticoïdes, etc. Cela fonctionne, je dirais, 8 fois sur 10, ce qui représente déjà un pourcentage intéressant. Cela peut se faire en consultation. Précisons, toutefois, qu’on ne peut évidemment pas injecter des corticoïdes sur de grosses surfaces, mais que s’il s’agit d’une petite plaque localisée qui est rebelle, cela peut être fait sans problème. Les résultats sont probants. Un patient peut être ainsi tranquille quatre à six mois avant d’observer une récidive. »

S’agit-il d’une innovation ?

« Il s’agit d’un traitement très ancien, sauf que tous les dermatologues ne l’utilisent pas. En fait, pour résumer, c’est la même chose que les crèmes corticoïdes, sauf que l’on introduit le produit à l’aide d’une seringue dans la zone lésée. Cela fonctionne donc beaucoup mieux qu’une crème appliquée localement. En soi, le problème de la crème, c’est que la peau des patients psoriasiques est tellement épaisse qu’une partie ne pénètre pas. Pour obtenir des résultats satisfaisants, il faudrait vraiment mettre la peau sous occlusion, que le patient dorme avec un film alimentaire toute la nuit, pour que la crème pénètre ne fût-ce qu’à 70 pour cent. Ce n’est évidemment pas vivable. S’ajoutent à cela le frottement des vêtements, des draps, etc. »

Psoriasis léger : émollients et/ou fumarate de diméthyle représentent le duo gagnant ?

« Je dirais que les émollients font partie du traitement, mais ne peuvent, à eux seuls, soigner complètement des plaques de psoriasis. Et pour des formes gênantes, on peut recourir à des acides fumariques (fumarate de diméthyle). Rappelons, également, que les dermatologues ont à leur disposition deux autres molécules que sont la cyclosporine et le méthotrexate. Quand un patient présente, par exemple, un psoriasis palmoplantaire très invalidant, le dermatologue peut se permettre de lui prescrire de petites doses de cyclosporine ou de méthotrexate. Ce sont, cependant, des traitements ‘dans l’absolu’ qui sont réservés à des psoriasis étendus. Mais à des doses assez faibles, et lorsqu’un psoriasis léger devient vraiment handicapant pour le patient, cela peut être envisagé. Et là, rappelons que ce sont des médicaments qui ne sont pas soumis à des remboursements ! »

Interview Barbara Simon